« Introduction

Le 23 avril 2024, le Parlement Européen a voté une directive sur la réparation visant à améliorer le fonctionnement de son marché intérieur tout en protégeant les consommateurs et en promouvant une consommation plus durable. Pourtant on n’en a peu ou pas parlé. Cet article en résume les principaux points, comment comparer cette directive avec ce qui se passe en France et surtout ce qui va à mon avis se passer.

 

Objectifs de la Directive

Comme attendu, la directive a pour objectif de promouvoir la réparation des biens achetés par les consommateurs. Ces initiatives se fondent sur le principe général de faciliter les prestations transfrontières de services et d’augmenter la concurrence entre les réparateurs. L’idée sous-jacente est de plus réparer pour réduire les déchets, diminuer la demande de ressources et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous savons que ces objectifs peuvent parfois être contradictoires. Par exemple, une étude publiée par l’ADEME en 2018 montre qu’après 10 ans, il est préférable, du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, de remplacer un réfrigérateur par un modèle neuf et plus économe en énergie, bien que cela ne soit pas avantageux du point de vue de la préservation des ressources.

Il vaut mieux donc lire la dynamique et les raisons derrière cette directive comme une extension des principes traditionnels et communs de l’UE : plus de compétition pour les acteurs, plus de transparence et plus de protection pour les consommateurs. D’ailleurs le résultat du vote avec 584 pour sur 601 votants démontre que cette directive n’est pas transgressive des principes de l’UE. Une fois la directive approuvée par le Conseil et publiée, les États membres auront 24 mois pour la transposer en droit national.

 

Principales Mesures

À mon on avis, on peut résumer la directive de 70 pages en 5 points :

  1. Promotion de la réparation : La directive fixe des règles uniformes pour promouvoir la réparation des biens, y compris par la mise en place d’aides financières.
  2. Obstacles à la réparation : La directive vise à lever les obstacles qui empêchent les consommateurs d’opter pour la réparation.
  3. Obligation de réparation des Fabricants : Les fabricants sont tenus de réparer les biens à la demande des consommateurs, même en dehors de la période de garantie légale.
  4. Formulaire Européen d’Information sur la réparation : Un formulaire standardisé est proposé pour fournir aux consommateurs des informations essentielles sur les services de réparation.
  5. Plateforme Européenne en Ligne pour la réparation : La Commission mettra en place une plateforme en ligne pour faciliter l’accès des consommateurs aux services de réparation;

 

Comparaison à la règlementation en France

De nombreux points paraissent être déjà en place en France, en particulier le fonds réparation, la durée de disponibilité des pièces et les impacts sur la durée de garantie de la réparation. Néanmoins cette directive marque une différence de philosophie entre l’Union Européenne et le législateur français. Alors que l’UE vise à stimuler la réparation du point de vue du consommateur, la France se place du point de vue du metteur sur le marché. Ces deux approches seront difficiles à réconcilier.

En France, la réparation est subventionnée par l’achat de produit neufs, l’affichage des disponibilités de pièces n’impose pas de durée minimale de détention mais cherche à influer les ventes. Enfin l’augmentation « punitive » de la durée de garantie en cas de remplacement vise à dissuader le metteur sur le marché de remplacer.

La directive créée des droits pour le consommateur en permettant d’utiliser des pièces équivalentes, en imposant la disponibilité et le coût des pièces, en rendant uniforme les informations à fournir au consommateur.

Cela va-t-il compliquer la tâche de la France, probablement. Un seul exemple résume cette tension. Dans la directive Européenne, on augmente la durée de garantie d’un an si le produit est réparé. En France, si le produit est remplacé la durée de garantie redémarre à la date de remplacement. On voit bien que les effets s’annulent. Comment va-t-on résoudre ces dilemmes ?

 

Le Futur

Cette directive est le coup d’ouverture d’une démarche de fond du soutien à la réparation. Elle parait peu contraignante comme souvent ces initiatives à leur début. Les prix devront être raisonnables, les subventions effectives, la réparation doit être promue. Il y a encore peu d’objectifs réels. Il ne faut pas se tromper en revanche sur la trajectoire. La liste des produits qui devront être réparés sera Européenne, les formulaires de demande (i.e. les devis) harmonisés, la durée de réparabilité imposée à travers toute l’Europe. Vu le support à ces mesures du parlement, ce ne sera que le début. La liste va s’allonger pour reprendre la plupart de nos produits. Les durées de protection vont augmenter et si pour l’instant les états sont libres de définir les contraintes, il y a fort à parier que ce n’est qu’une question de temps pour que l’UE fixe le montant des amendes.

Le droit à la réparation est là pour rester. En revanche, ce qui m’inquiète c’est la volonté du parlement de créer une plateforme pour trouver un réparateur qui serait gérée au niveau Européen, mais je reviendrai sur cet enjeu dans un prochain article. »

Emmanuel Benoit, CEO d’Agoragroup.