Introduction
Il y a trois mois, j’avais promis de revenir sur la directive européenne qui, d’ici le 31 juillet 2027, instaurera un répertoire européen (également connu sous le nom de « droit à la réparation »). Pour ceux qui auraient manqué ce changement révolutionnaire dans la protection des consommateurs en Europe, je recommande de lire mon article précédent. Pour résumer brièvement le sujet : cette loi imposera la création d’un répertoire exhaustif des centres de réparation au niveau national et européen. Il contiendra des informations spécifiques telles que les tarifs, les délais moyens de réparation et, à terme, la qualité des services.
À première vue, cela semble être une excellente initiative, largement soutenue par le Parlement : seulement 15 députés se sont abstenus ou ont rejeté la directive. Cependant, je perçois dans cette mesure une extension du mandat de l’UE, sans qu’une réelle discussion sur sa pertinence ait eu lieu, ce qui soulève des questions juridiques évidentes.
Registres ou répertoires ?
Les listes gérées par l’UE ne sont pas une nouveauté. Il existe par exemple le BRIS (Système d’interconnexion des registres d’entreprises) ou Europages. Le BRIS fournit des données publiques officielles, permettant aux entreprises de faciliter les transactions transfrontalières. Europages, quant à lui, est un moteur de recherche B2B. De telles listes contiennent typiquement des noms et des coordonnées. Des répertoires similaires d’entreprises ou de professionnels sont souvent gérés par les gouvernements et s’adressent soit aux consommateurs, soit aux entreprises. Un exemple est l’Ordre des médecins en France, géré par le gouvernement, qui a pour objectif fondamental de réglementer l’accès aux professions régulées. Le terme officiel pour ce type de liste est « registre ».
En revanche, la directive européenne prévoit une autre forme de portail, contenant des informations plus détaillées telles que des listes de prix et les horaires d’ouverture. Ces listes s’adressent typiquement aux consommateurs et sont habituellement proposées par des prestataires privés, comme Google My Business ou les Pages Jaunes.
Les registres sont des services publics, mais les répertoires ne le sont pas. Est-il problématique que l’UE intervienne dans ce domaine ?
Le problème
Les répertoires ne sont pas considérés comme des services publics, même au niveau national. En France, l’un des États membres les plus interventionnistes de l’UE, on trouve, en plus de l’Ordre des médecins (registre), une entreprise privée comme Doctolib, qui agit comme un répertoire pour la prise de rendez-vous, l’échange de données médicales, etc.
Avec cette directive, l’UE entrera en concurrence avec des prestataires privés existants ou potentiels. Je pense que cela ne relève pas du mandat de l’UE de financer des initiatives qui pourraient provenir du secteur privé.
Cela dit, il existe certains cas où l’UE agit ainsi. Par exemple, EURES, la plateforme européenne pour la publication d’offres d’emploi dans toute l’UE, fonctionne de manière similaire aux sites d’emploi privés. Toutefois, EURES dispose d’un mandat clair, inscrit dans la Charte européenne, visant à promouvoir la mobilité transfrontalière des citoyens européens. Son objectif n’est pas de devenir un leader du marché des plateformes d’emploi, mais de s’appuyer fortement sur un réseau d’acteurs publics.
Dans le cas présent, il n’existe cependant aucune justification claire pour la création d’un acteur financé publiquement qui interviendrait dans un secteur privé. Il n’y a pas de réel besoin de développer des réparations transfrontalières. Un technicien de réparation n’est pas une profession réglementée, et dans la plupart des États membres de l’UE, il n’existe même pas de formation académique pour ce métier. Qu’est-ce qui justifie donc une telle initiative ? Ne serait-ce pas plutôt aux États membres de décider s’ils souhaitent gérer un tel répertoire ?
Mon avis
Ne vous méprenez pas : je pense que des répertoires de centres de réparation sont nécessaires. Plus encore, il est crucial que les techniciens bénéficient d’une formation académique commune et globale, respectant des normes et standards en matière de gestion des données personnelles et de sécurité générale. Je considère qu’il s’agit d’une lacune flagrante de notre société de consommation que la plupart des États membres de l’UE n’aient pas une idée claire du nombre de techniciens de réparation existants ou nécessaires dans leur pays.
Si l’UE souhaite créer un répertoire de centres de réparation, elle devrait donner la priorité à la formation de nouveaux techniciens et à la réglementation de ces professions. Dans ce cas, un répertoire pourrait peut-être être justifié.
Emmanuel Benoit, CEO d’Agoragroup.